À mes enfants

Mes chers enfants,

Je me décide enfin à vous écrire, presque deux mois après mon arrivée ici. Je reconnais que j'ai tardé mais vous saviez bien que je ne vous écrirais probablement pas avant trois semaines.

Vous n'imaginez pas comme j'aimerais savoir comment vous allez et ô combien j'aimerais être près de vous!

Ici, c'est pas de tout repos. Je me souviens plus trop du rush des premiers jours après l'atterrissage. On suit ce qu'on nous dit, on découvre le pays.

Peu après mon arrivée, j'ai été accueilli par un couple d'autochtones. Elle, attentionnée, gaie, peureuse, lui, brutal, autoritaire, coléreux. Après cette première semaine de voyage organisé, il est venu me voir pour m'expliquer les règles de la maison :

- "Tu vas devoir faire tes classes. Travailles bien et tout ira bien!"

Impressionné par cette montagne rougeote, j'ai obtempéré. Mon séjour s'avérait finalement assez disciplinaire. Depuis ce jour, j'ai tâché de ne plus les déranger; ils me fournissaient quand même le gîte et le couvert. Je me devais de respecter ça.

La deuxième semaine était routinière mais plutôt chouette. Je m'acquittais de mes tâches et partageais mes moments libres avec des amis. Par ailleurs, ayant de bons résultats lors des classes, je fus couvert de cadeaux!

La troisième semaine, j'honorais toujours le même contrat mais commençais à me questionner sur les débouchés. En effet, dans ces contrées, la période d'apprentissage allait bientôt prendre fin mais je ne voyais toujours aucune perspective pour moi et aucun lien avec les activités et comportements des autochtones!? Je supposais que cela tenait à mon statut de nouveau venu et que je comprendrais bien assez tôt. On me demandait parfois mes projets; je restais évasif, ne comprenant pas vraiment les rites, présumant que j'aurai un jour une initiation.

Mes classes terminées, je devais quitter ma famille d'accueil et me débrouiller. J'avoue m'être trouvé bien perdu. En fait, il n'y a eu aucune initiation. Je pouvais circuler dans le pays, mais qu'y faire? Je faisais de mon mieux pour m'adapter, mais restais l'étranger que j'étais.

Le troisième week-end, j'ai rencontré une jeune fille. Main dans la main, nous nous baladions ensemble lorsque soudain, je me suis écroulé sans comprendre ce qui m'arrivait. On a tenté de me soigner.

Il m'a fallu plusieurs jours pour récupérer... ou presque.

La jeune fille avait à ce moment très envie de vous connaître et me questionnait à votre propos. Sincèrement, je ne me voyais pas vous accueillir dans ces circonstances : que vous proposer? Vous envoyer faire vos classes... alors que je ne savais moi-même pas pourquoi? Ne le prenez pas mal mais vous m'auriez encombré plus qu'autre chose dans mes recherches d'un lieu de vie.

Le dimanche suivant, la jeune fille m'a annoncé qu'elle partait. J'ai été complètement surpris, désemparé et étrangement peiné. J'ai voulu reprendre mon chemin mais me suis écroulé à nouveau, encore plus violemment cette fois.

Depuis ce jour, je me remets. Des malaises brutaux et imprévisibles m'assaillent plusieurs fois par jour, laissant perplexes de nombreux guérisseurs.

Ça fait presque trois semaines maintenant!

Vous comprendrez, j'espère, que je ne me sois toujours pas occupé de votre rappatriement. D'ailleurs, pour être sincère, je n'ai toujours pas trouvé où vivre ici. Alors je préfère que vous restiez où vous êtes.

D'autant plus que je n'ai pas rencontré votre mère... et ne le souhaite d'ailleurs toujours pas.

Voilà les nouvelles du pays! Mes chers enfants, peut-être qu'elles vous déçoivent mais croyez-moi : c'est un rude pays. Un désert hostile. Des moeurs étranges.

Saluez le vieux du dessus de ma part. Je vous rejoins bientôt!

olivier r.
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